Sarkozy « devenait pathétiquement incapable de dialogue dès lors qu’il était en désaccord »

Entretien publié dans le Journal du Dimanche du 15 septembre 2013.
Propos recueillis par Laurent Valdiguié.

Le philosophe et historien Marcel Gauchet livre pour le JDD son regard sur les présidents de la République depuis Mitterrand.

Vous avez rencontré tous les présidents depuis Mitterrand. Comment voyez-vous François Hollande ?
Il est charmant, drôle. C’est un homme très intelligent, très lucide et c’est en même temps un politicien indéchiffrable. Il y a deux hommes chez lui entre lesquels je n’arrive pas à faire le joint. D’un côté le politicien pour qui, en gros, la politique consiste à s’arranger avec les problèmes, à limiter les dégâts… sans faire de miracle. Et puis il y a un François Hollande analyste, d’une grande acuité dans l’appréhension des situations. Je l’ai entendu tenir des propos sur l’Europe qui m’ont sidéré par leur justesse. Il y a deux Hollande. Un Hollande qui ferait un observateur remarquable et un Hollande opportuniste dans l’action, dont le jeu consiste à ne pas se démasquer, persuadé qu’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment!

Mitterrand ?
Le Mitterrand du second septennat, après 1988, donnait l’impression d’être à côté de la plaque. Il était très habile bien sûr, très au fait des choses, mais il lisait les événements avec une grille d’une autre époque. L’âge et la fatigue y étaient pour quelque chose.

Chirac ?
Il était indifférent aux problèmes de fond. Cela ne l’intéressait pas. Il faisait de la politique, c’est tout. C’était un pragmatique intégral. Pour lui, visiblement, chercher à comprendre, c’était perdre son temps.

Sarkozy ?
Pour ce que j’en ai perçu, quelqu’un de très malin, rapide, dynamique, mais passionnel. Il était capable d’écouter tout le temps où cela ne contredisait pas l’une ou l’autre de ses convictions fortes, émotionnelles. Il devenait pathétiquement, sympathiquement incapable de dialogue dès lors qu’il était en désaccord avec vous. Lui avait une ligne de conduite. Il était guidé par une sorte de diagnostic intuitif, doublé d’une foi absolue dans sa bonne étoile.

C’est le personnage ou la ligne qui ont été rejetés ?
Les deux, la proposition confusément et la manière de gouverner clairement.

Propos recueillis par Laurent Valdiguié.

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