Le Débat, n°176, septembre-octobre 2013

SOMMAIRE

HOLLANDE, AN I

Comme nous en avons l’habitude à chaque rentrée, nous nous livrons à un bilan de l’année politique qui vient de s’écouler. Elle a été riche d’événements et d’enseignements. Elle a été marquée au premier chef par les débuts difficiles du quinquennat de François Hollande, sur fond de graves contraintes économiques. Le gouvernement socialiste a été secoué par l’affaire Cahuzac, qui a mis à l’ordre du jour la question du statut du personnel politique. La loi sur le « mariage pour tous » a provoqué la mobilisation complètement inattendue d’une frange notable de l’opinion. À droite, l’élection du président de l’ump par les militants a donné lieu à un psychodrame ahurissant dont le crédit de l’opposition n’est pas sorti grandi.

Marcel Gauchet et Jean-François Kahn confrontent leurs lectures de ce paysage accidenté et mouvant, où les embarras des forces classiques alimentent la poussée du Front national. Roland Hureaux revient sur la chute spectaculaire de la cote de popularité du président de la République. Elle a en réalité pour source, avance-t-il, une mauvaise interprétation de ce qui s’est joué lors de l’élection présidentielle et, plus précisément, une sous-estimation du rôle que le facteur identitaire y a tenu. Laurent de Boissieu fait le point sur la situation de la droite et analyse les lignes de fracture qui la traversent. Jean-Pierre Le Goff retrace la généalogie d’un élément spécifique de l’identité de la gauche socialiste, le « gauchisme culturel », auquel le contexte prête un relief particulier. Jusqu’où le « sociétal » peut-il se substituer au social ?

Du sarkozysme au hollandisme. Marcel Gauchet, Jean-François Kahn : un échange par Marcel Gauchet et Jean-François Kahn
Aux origines du grand malentendu. La montée des identités à la présidentielle de 2012 par Roland Hureaux
Droite, année triple zéro par Laurent de Boissieu
Du gauchisme culturel et de ses avatars par Jean-Pierre Le Goff

FAUT-IL DÉSESPÉRER DE L’EUROPE ?

Le malaise européen n’est plus à décrire. Il résulte pour partie, sans doute, d’une crise économique qui s’éternise. Mais il est fait également de la désaffection des citoyens à l’égard d’un système institutionnel dans lequel ils se reconnaissent de moins en moins. Il tient enfin au sentiment diffus d’un décrochage vis-à-vis du reste du monde, si ce n’est d’un déclin irrémédiable.

Trouble circonstanciel, lié à une conjoncture difficile, ou mal de structure ? Lionel Jospin expose les motifs qui lui font conserver une confiance raisonnée dans l’avenir du Continent. Un point de vue balancé par le regard extérieur, amical, mais sans complaisance, de Tony Corn. L’Europe, soutient-il, pourrait bien être sur la voie de l’effacement des puissances qui comptent.

L’Europe : continent en déclin ou modèle pour l’avenir ? par Lionel Jospin
L’Europe à la dérive. L’Atlantique et le monde atlantique à l’époque d’Elizabeth II par Tony Corn

QU’ATTENDRE DU JOURNALISME ?

La crise du journalisme n’est plus à démontrer. Elle est économique, mais aussi morale. La presse écrite classique est gravement menacée et pourrait être carrément condamnée à disparaître, pour des raisons maintenant bien connues. Mais de manière plus générale, c’est la crédibilité de la profession qui est en question, comme en témoigne la piètre image des journalistes auprès du public.

Nous nous sommes régulièrement penchés dans Le Débat sur le devenir d’une profession cruciale pour la vie démocratique. Mais le moment nous a semblé venu d’interroger son avenir, en laissant de côté un instant les motifs de la crise actuelle, pour envisager ce que pourrait être le futur du journalisme, en particulier du point de vue de ce qui était le rôle spécifique, bien ou mal rempli, de la presse écrite.

Nous nous sommes tournés pour ce faire vers quelques personnalités dotées d’une expérience variée dans le domaine pour leur soumettre les questions suivantes, étant bien précisé que ces questions n’avaient de valeur qu’indicative et ne prétendaient à rien d’autre que circonscrire l’objet de la discussion.

1. La presse papier est-elle purement et simplement condamnée à mort ? Ou pensez-vous possible sa survie sur un créneau minoritaire et élitiste, mais en conservant son rôle de référence crucial dans le champ de l’information ?

2. Le basculement de l’écrit sur Internet est-il en mesure d’apporter un substitut efficace au rôle que tenait antérieurement la presse papier ? Compte tenu des caractéristiques techniques et culturelles de l’instrument, ce nouveau journalisme n’est-il pas condamné à l’immédiateté de l’information en continu, au règne du flux, où une information chasse l’autre, au commentaire généralisé autour d’événements sensationnalisés et émotionnalisés ? Quelle place peut-il rester dans ce cadre pour le recul, l’approfondissement et l’analyse ?

3. Qu’est-ce qui dans ce contexte fait et peut faire aujourd’hui la légitimité du journalisme ? Qu’a-t-il à apporter en propre ? À l’heure du « tous journalistes », en quoi peut consister la valeur ajoutée de son travail ? Et pour finir, qui est autorisé à se dire journaliste ?

Nous remercions Laurent Beccaria, Jean-Claude Lescure, Élisabeth Lévy, Patrick de Saint-Exupéry, Anne Sinclair d’avoir bien voulu nous apporter leur réponse.

Réinventer la presse par Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry
Contre le courant par Jean-Claude Lescure
À la reconquête de la souveraineté intellectuelle par Élisabeth Lévy
Mort de la presse écrite, survie du journalisme par Anne Sinclair
Du Monde à Internet. Points de vue de deux convertis : Jean-Marie Colombani et Edwy Plenel par Bénédicte Delorme-Montini
Navigation en mer inconnue. Le numérique et la dérégulation de l’information par Alexis Abeille et Geoffroy Daignes

1914-2014 : COMMENT COMMÉMORER LA GRANDE GUERRE ?

Vingt-cinq ans après le bicentenaire de la Révolution française, voici venu le moment de commémorer un autre événement majeur de notre histoire : le centenaire de la Première Guerre mondiale. Il se trouve, de surcroît, que ce premier anniversaire coïncide avec un second, également marquant : celui de la libération du territoire, en 1944, il y a soixante-dix ans. Les deux conflits qui ont été au cœur de l’histoire du xxe siècle se retrouvent ainsi associés dans l’esprit public.

L’expérience l’a montré : ces commémorations, loin de se réduire à de lointaines célébrations officielles, représentent des moments importants de cristallisation de la mémoire collective. Elles sont l’occasion de réactualiser les représentations établies et les lectures en vigueur. Aussi méritent-elles qu’on leur prête attention. Nous poursuivons à propos de 2014 le travail que nous avions mené à propos de 1989.

Il fallait commencer par donner la parole aux responsables qui ont eu à concevoir l’organisation des manifestations à venir. Joseph Zimet, directeur de la mission du Centenaire, expose les lignes directrices qui ont été retenues par les pouvoirs publics. Antoine Prost, qui préside la commission scientifique de la même mission, s’interroge sur la signification qu’il convient aujourd’hui d’attribuer à cet événement hors norme. Jean-Pierre Azéma, qui occupe des fonctions analogues en ce qui concerne l’anniversaire de 1944, examine les conditions d’une commémoration informée, prenant en compte les acquis du travail des historiens. Serge Barcellini revient sur les incidences du croisement des dates et des cycles mémoriels.

Engagés sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, les préparatifs de la commémoration ont été pris dans le jeu de l’alternance politique, ce qui n’a pas été sans infléchir certains choix. Thomas Wieder retrace ces péripéties.

Nous joignons au dossier un article exceptionnel du grand historien suisse Herbert Lüthy, écrit en 1964, pour le cinquantenaire de la Grande Guerre. Il offre un exemple de réflexion exigeante et lucide qui nous a paru garder toute son actualité.

La Grande Guerre reste un récit des origines par Joseph Zimet
Commémorer sans travestir. La guerre de 1914-1918 comme grand événement par Antoine Prost
Commémorer les libérations de la France par Jean-Pierre Azéma
Au croisement de deux cycles mémoriels par Serge Barcellini
Généalogie heurtée d’un « événement majeur » par Thomas Wieder
1914 : une fatalité gratuite par Krzysztof Pomian et Herbert Lüthy

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