Islamisme et fascisme

Des bricolages conceptuels indigents, comme islamofascisme ou fascislamisme, procèdent de la paresse intellectuelle qui nous est devenue coutumière, empêchant de comprendre quoi que ce soit et au fascisme et à l’islamisme.

Comme le montre Marcel Gauchet dans le tome trois de L’avènement de la démocratie, « A l’épreuve des totalitarismes », avec l’islamisme, on est dans un cas de figure exactement inverse des totalitarismes et fascismes. Dans les régimes totalitaires, on est dans des sociétés qui réactivent la forme religieuse de l’établissement humain (les « religions séculières ») mais dont les membres vivent déjà existentiellement et intellectuellement dans des références et des représentations post-religieuses. Avec l’islamisme, c’est exactement le contraire. Qu’est-ce que le fameux « printemps arabe » sinon une accélération dans le processus de sortie de la religion et d’avènement de la démocratie qui devient explosif là précisément et là seulement où les références religieuses sont encore très ancrées dans les esprits ?

Pour mieux comprendre, voici un extrait du séminaire de Marcel Gauchet à l’EHESS du 7 janvier 2015 que vous pouvez écouter ici.

« Ces conflits du vingtième siècle ne tenaient pas à la forme nationale, contrairement à ce que l’on a pu croire et que l’on continue de ressasser. Ils tenaient à cette part impériale qui continuait de les habiter à des degrés divers.

La décantation complète de la forme Etat-Nation révèle un autre paysage et une autre logique. Les Etats-Nations pleinement développés ne sont pas faits pour la guerre mais pour la paix (…).

Cette généralisation de la forme Etat-Nation arrive dans certaines contrées du globe, Afrique et Moyen-Orient, comme une imposition d’en-haut, sur des terres non-préparées où elle n’a aucune base. D’où les phénomènes de faillite qu’il nous est donné d’observer.

Cette mondialisation de l’Etat-Nation et par l’Etat-Nation est aussi le vecteur structurel de la diffusion planétaire de la sortie de la religion (…). On ne peut plus y échapper. Quand cela intervient dans des sociétés dont les membres continuent, pour beaucoup d’entre eux en tout cas, d’évoluer, existentiellement et intellectuellement, dans un monde de références et de représentations religieuses, il s’ensuit une discordance dont on conçoit aisément qu’elles provoquent des réactions, qu’elles soient un facteur de trouble et de mobilisation.

Beaucoup des fermentations et des effervescences récentes à caractère religieux, qui travaillent aujourd’hui la planète, prennent là leur source. Ces réactions peuvent aller d’ailleurs jusqu’au rejet de la forme Etat-Nation. C’est ce qu’on est en train de commencer à observer dans l’aire islamique, avec le retour du Califat ».

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