Je suis resté longtemps sceptique devant la notion de « haine de soi ». Elle était destinée, à l’origine, à expliquer le ralliement de tant d’intellectuels juifs à la cause communiste. Je ne discernais pas le mécanisme psychologique auquel elle pouvait correspondre. Et puis je l’ai vue se concrétiser sous mes yeux. Je ne me prononce pas sur ce qu’elle valait dans son premier usage, mais je suis obligé de constater qu’elle exprime bien le rapport d’une partie des Français à la France.
Le phénomène va plus loin que le goût de l’autodénigrement enregistré depuis belle lurette. Celui-ci procédait de la déception devant des performances jugées décevantes au regard d’un grand passé ou de grandes espérances. Rien que de très compréhensible dans un pays qui a très mal vécu son inéluctable recul en tant que grande puissance, depuis la fracture fatale de la Première Guerre mondiale. La suite du siècle n’a été qu’une confirmation grandissante de la réduction de la France au rang de puissance moyenne. Un mouvement de recul qui s’est traduit par une grogne permanente envers ce destin contraire.