Dans son tome III de «l’Avènement de la démocratie», l’historien Marcel Gauchet envisage les épisodes stalinien et nazi comme des manifestations d’un «désordre interne» aux régimes libéraux nés au XIXe siècle.
En 2007, Marcel Gauchet publiait les deux premiers tomes de l’Avènement de la démocratie, vaste fresque décrivant le déploiement de l’idée démocratique en Europe depuis deux siècles. Historien des idées, formé à l’école de la pensée antitotalitaire, Marcel Gauchet y va bien au-delà de la rituelle défense de la démocratie qui, aujourd’hui, tient lieu souvent de réflexion politique. Pour lui, la démocratie n’est pas un modèle fixe, mais une aspiration qui se cherche sans cesse et ne trouve sa forme qu’au rythme des obstacles et des contradictions qu’elle rencontre. Minutieuse et passionnante analyse des épisodes stalinien et nazi, le tome III montre que «le totalitarisme n’est pas une pathologie extrinsèque, mais une excroissance révélant, en son anomalie, un désordre interne».
L’Avènement de la démocratie est un projet ambitieux. Que cherchez-vous à montrer ?
Mon pari est d’articuler deux dimensions qui sont en général traitées séparément : l’histoire de la démocratie et l’histoire de la pensée démocratique. Les historiens s’occupent de la première, et les philosophes de la seconde. Pour ma part, je tente de les fondre ensemble, afin de mettre en lumière des aspects du phénomène démocratique que des approches isolées ne permettent pas de saisir. Ma thèse principale est que la démocratie n’est pas un modèle fixe, mais un mouvement continu dont la nature est de se déployer sans cesse à travers de nouveaux problèmes et de nouvelles solutions. Tocqueville avait identifié cette dynamique, et je m’inscris dans sa ligne, mais en proposant une explication plus globale du phénomène : le processus de sortie de la religion, qui, à mes yeux, est le moteur de la dynamique démocratique.
Continuer la lecture →
Archivé dans la catégorie :
Entretien