Le Débat, n°172, novembre-décembre 2012

SOMMAIRE

Un tombeau pour la gauche ? Entretien avec Jacques Julliard

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LEÇONS DE LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE

Chaque échéance électorale importante, et spécialement, en France, l’élection présidentielle, est une expérience politique singulière, dont il y a des enseignements à tirer. Celle de 2012 n’a pas failli à la règle. En voici deux illustrations.

Une campagne présidentielle, qui l’ignore, est une bataille de communication. Il s’en faut cependant que ce processus soit clair, y compris pour ceux qui le conduisent. Ses retombées pour le vainqueur, en particulier, sous forme de contraintes vis-à-vis de l’opinion, demandent à être interrogées, comme le fait ressortir Jean-Marc Benoit en comparant le parcours de Nicolas Sarkozy et les premiers pas de François Hollande.

Communication toujours, un thème de campagne peut se montrer efficace et se révéler peu approprié à la pratique du pouvoir. Le candidat Hollande a marqué un point en revendiquant une « présidence normale ». Le président Hollande, en revanche, a dû rapidement mesurer que cette définition de son rôle ne lui était pas d’un grand secours dans l’exercice de ses fonctions. Ce décalage pourrait bien avoir pour vertu de mettre en lumière une dimension du pouvoir ordinairement cachée, suggère Jérôme Batout. Par où le pouvoir en démocratie échappe-t-il à la « normalité » ?

– Communication oblige. Du candidat au Président, Jean-Marc Benoit
– Du paranormal en politique, Jérôme Batout

ABOLIR LE CUMUL DES MANDATS ?

Les données du problème sont parfaitement connues : les citoyens sont très majoritairement hostiles à cette singularité française que constitue le cumul des mandats électifs, et depuis longtemps ; le personnel politique y est profondément attaché, au point que, en dépit des promesses destinées à complaire à l’opinion, l’abolition pourrait être une nouvelle fois repoussée aux calendes grecques. Ce point de contentieux demande à être sereinement éclairci, sur des bases solides.

Pareille résistance obéit forcément à de puissants motifs. Il faut commencer par les dégager pour y voir clair. Marc Abélès analyse l’enracinement du phénomène dans notre histoire politique.

L’argumentation des défenseurs du cumul consiste à souligner ses avantages, sur le plan de la connaissance des réalités de terrain par les élus, et à minimiser ses inconvénients. Quelles sont ses conséquences réelles ? Laurent Bach met en évidence ses effets négatifs sur le travail parlementaire.

Guy Carcassonne, adversaire de longue date de cette anomalie française, fait enfin valoir les raisons qui interdisent aujourd’hui de différer sa résorption.

– Une donnée stable de la culture politique française, Marc Abélès
– Logique électorale, dégâts parlementaires, Laurent Bach
– Le temps de la décision, Guy Carcassonne

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Tony Judt : une dernière victoire. Jennifer A. Homans et Pierre-Emmanuel Dauzat

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NOS INCERTITUDES POLITIQUES

Nous vivons une de ces périodes de changement rapide où le surgissement des problèmes va plus vite que nos capacités politiques d’y répondre. Les développements de la technique, les transformations de la société et les évolutions de la politique font surgir sans cesse des questions dont la nouveauté nous laisse désarmés, avec la confusion et le sentiment d’impuissance qui ne manquent pas d’en résulter. C’est ce qui nous semble justifier plus que jamais le travail de déchiffrement et d’analyse d’une revue comme Le Débat. Les articles réunis ici en sont l’exemple.

Au-delà des agences de notation financière dont le rôle a défrayé la chronique, les pratiques de notation se sont répandues comme une traînée de poudre ; elles ont envahi les domaines les plus divers. À quelle logique cette diffusion répond-elle ? Daniel Gouadain examine les raisons et les effets de cette vogue.

Cinq ans de crise et des dénonciations répétées de l’irréalité de la doctrine néolibérale n’ont pas suffi à faire émerger une alternative crédible en matière de fonctionnement de l’économie. Comment expliquer l’emprise de conceptions aussi manifestement défaillantes ? Mais savons-nous vraiment ce qu’est le néo-libéralisme ? Jérémy Perrin propose une reconsidération de sa nature.

L’évacuation délibérée du peuple au nom de principes posés comme supérieurs n’est pas l’évolution la moins surprenante de nos démocraties. Mathieu Bock-Côté retrace le processus qui a conduit à cette vision oligarchique d’un genre inédit.

Le multiculturalisme de fait de nos sociétés est inévitablement la source de conflits de normes. Il met aux prises la valeur de tolérance et l’impératif de préservation de l’espace commun. Constantin Languille dégage l’enjeu de cette confrontation à propos de la récente loi sur la burqa.

La controverse sur l’électronucléaire ne date pas d’hier mais elle n’a guère pour autant avancé sur le fond, faute d’une clarification suffisante de ses termes. Paul Aïm s’efforce de cerner ce qui pose spécifiquement problème dans cette industrie hors norme.

Petite question au regard de ces grands dilemmes, notre civilisation tertiaire des assis n’en représente pas moins une troublante mutation de la condition humaine, comme le souligne Pierre-Henri d’Argenson. Elle mérite que l’on s’interroge sur ses conséquences.

La fiabilité des données invoquées dans le débat public est une condition essentielle d’un bon fonctionnement démocratique. Elle confère une responsabilité considérable aux experts et aux chercheurs qui les établissent. Or ceux-ci laissent trop souvent leurs engagements militants prendre le pas sur la rigueur scientifique. Jean-Michel Chaumont en décortique un exemple particulièrement frappant.

– La nouvelle main invisible. À propos des pratiques de notation, Daniel Gouadain
– Vers la crise perpétuelle ? L’interminable agonie du néo-libéralisme, Jérémy Perrin
– La démocratie en l’absence du peuple, Mathieu Bock-Côté
– Logique juridique, logique politique. Le cas de la burqa, Constantin Languille
– L’électronucléaire ou la démesure industrielle, Paul Aïm
– Lève-toi et marche !, Pierre-Henri d’Argenson

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Le militant, l’idéologue et le chercheur, Jean-Michel Chaumont

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LA CRISE, ENCORE ET TOUJOURS

Officiellement, la crise de l’euro est « presque » terminée. Qu’en est-il en réalité ? Jean-Luc Gréau met en lumière les bouleversements des flux financiers qui se cachent derrière cette façade rassurante.

Le moment devrait être venu, cinq ans après, d’une interrogation systématique sur la nature et les propriétés des « innovations financières » qui ont manifestement joué un rôle décisif dans le déclenchement de la crise et sa perpétuation. Force est de constater que les réflexions en ce sens restent rares. C’est ce qui fait le prix des hypothèses que Jean de Maillard avance ici. Le sujet est difficile, il est vrai, mais il est à ce point fondamental qu’il nous a paru mériter un effort particulier, tant de notre part que de celle de nos lecteurs. D’autant que si Jean de Maillard a raison, il y a lieu de nourrir de grandes inquiétudes pour l’avenir. Nous ne pouvons que souhaiter qu’une large discussion s’engage autour de ces propositions.

– Euro : maintien apparent, rupture réelle, Jean-Luc Gréau
– Quand la monnaie tue l’économie. Cinq propositions sur la crise, Jean de Maillard

AUTOUR DE TERRES DE SANG DE TIMOTHY SNYDER

Le Débat s’est fait l’écho, depuis l’origine, des travaux de nature à faire avancer la connaissance et la compréhension de la grande énigme du xxe siècle que constituent les phénomènes totalitaires. Nous ne pouvions dans cet esprit qu’accorder la plus grande attention au livre majeur de Timothy Snyder, Terres de sang. L’Europe entre Hitler et Staline (Gallimard, 2012), qui a profondément renouvelé l’approche du problème. Nous remercions Christian Ingrao, Pieter Lagrou, Andriy Portnov, Henry Rousso, Dariusz Stola et Annette Wieviorka d’avoir accepté de nous livrer leur point de vue de spécialistes sur l’ouvrage et Timothy Snyder de s’être prêté à cet échange.

Comment écrire l’histoire de l’Europe des massacres ?, Timothy Snyder

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