Avec la mondialisation, on a fabriqué un monde bancal, qui crée un système parasitaire

Entretien publié le 4 mars 2014 sur le site Le Rideau.
Propos recueillis par Dimitri Laurent.

Quand Marcel Gauchet prend la parole au sein du monde universitaire, il fait du bruit. Et on l’écoute. Co-fondateur du Débat avec Pierre Nora, dont il est actuellement le rédacteur en chef, le philosophe et historien français nous a accordé un long entretien. Y sont évoqués la suprématie de Google, le règne des images, les interviews marquantes du Débat et bien d’autres sujets encore. À vos yeux avertis.

Pour commencer Marcel Gauchet, pourquoi un intellectuel de votre trempe se rend-il sur le plateau de Ce soir ou jamais, comme le vendredi 7 février dernier ?
D’abord, j’hésite avant d’y aller. Si l’on remet les choses à leur place, disons que je ne m’étais pas rendu sur le plateau de cette émission depuis 2010. La dernière fois que j’avais participé, je m’étais retrouvé dans une situation absolument effrayante, j’étais sorti avec l’idée de ne plus y remettre les pieds. Depuis 2010 et jusqu’à vendredi dernier, j’ai refusé plusieurs invitations. Personnellement, j’aime bien Frédéric Taddéi : je trouve que c’est un très bon intervieweur, en tête à tête. Après, je pense qu’il ne sait pas mener une émission avec plusieurs intervenants. J’y suis retourné vendredi dernier pour ne pas faire de tort à mon éditeur. Le livre (Transmettre, apprendre, Stock, sorti le 12 février) serait paru ici, chez Gallimard, je n’y aurai pas été. Mais je sais que la vie de l’édition est difficile. Et il se trouve que ça s’est bien passé : c’est peut-être la seule émission où il n’y avait pas de gueulard hystérique, pas d’histrion. Au contraire, était présente une actrice merveilleuse, que je ne connaissais pas et qui m’a stupéfait par sa finesse : Sylvie Testud. J’avais le souvenir de donzelles du genre Arielle Dombasle ou autre et j’étais terrifié de me trouver en face de telles personnes. Pourquoi j’y vais et, sur le fond, existentiellement parlant ? C’est pour moi une question de tous les jours. Dans un monde comme le nôtre, vous êtes obligé, en faisant le travail que je fais, à vous procurer cette indépendance que confère une demi-notoriété. C’est tout. Et pour ça, il faut accepter d’aller sur des terrains dont on pourrait très bien se passer sur le fond. Je n’ai pas participé à des émissions de téléréalité, je n’ai pas fait de publicité pour SFR (rires). J’ai de la marge ! Mais c’est une question. Et en même temps, ce que je constate, c’est qu’une petite notoriété, une petite visibilité publique vous donne de l’indépendance et une relative protection contre l’arasement complet qui est la marque de l’époque où l’on vit. Mon métier c’est l’université et cet endroit attend que les individus dans mon genre décampent. Des comme ça on n’en veut pas…Ils ne zigouillent pas, même si ce n’est pas l’envie qui leur en manque.

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