Entretien dans le Philosophoire

Entretien avec Marcel Gauchet à propos de sa formation et de sa démarche intellectuelle, de ses rapports avec Claude Lefort, Cornelius Castoriadis, etc., préparé et réalisé par Lionel Fouré et Nicolas Poirier et publié dans Le philosophoire, 2003/1 (n° 19).

Lien vers l’entretien

Extraits choisis

A PROPOS DE LA SUBJECTIVITÉ

Le projet de « La pratique de l’esprit humain » : construire une théorie anthropologique du sujet qui soit autre chose qu’une philosophie spéculative ou une métaphysique du sujet.

« La question philosophique du sujet émerge à l’intérieur même du religieux. Elle est théologique, initialement, car le premier sujet, c’est Dieu ».

UNE PENSÉE NON-MARXISTE DE L’HISTOIRE QUI ÉVITE L’IDÉALISME HÉGÉLIEN

« Une chose est de dire – ce qui est banal – que les sociétés modernes échappent à la détermination par la religion et la transcendance ; autre chose est de se demander pourquoi cette soustraction est advenue, et quelle en est l’origine. Un de mes soucis depuis toujours est d’élaborer une pensée de l’histoire alternative au marxisme ».

« Il n’y a pas de philosophie de l’histoire possible, à mes yeux, mais il y a nécessairement une interprétation philosophique de l’histoire, de son enjeu, et de ce dans quoi elle nous plonge ».

« Toutes les sociétés sont historiques certes, mais la nôtre l’est sur un mode complètement différent de celles qui précèdent, puisqu’elle l’est dans le cadre d’une production délibérée. Production qui prend la forme du capitalisme, et du monde industriel, de la technique ». Il faut interpréter philosophiquement ce phénomène, sauf à dire que la philosophie n’a rien à nous dire du monde contemporain et de sa modalité d’être principale.

« Je ne suis pas hégélien, mais je suis un rationaliste qui essaie d’être rigoureux. Je ne vois aucune raison de principe -, j’attends qu’on me les oppose – pour me dire qu’il y a aurait dans l’histoire quelque chose qui la rend inconnaissable, incompréhensible ».

« Il me semble possible d’établir la signification de l’expérience humaine de l’histoire. En sachant qu’être dans l’histoire, c’est être soumis à la révision de ce qui suivra. (…) La notion même de système et de totalisation, qui est le grand rêve de la philosophie, est définitivement abolie par le déploiement du monde historique ».

« Nous sommes au tout début, et de l’historicité dans son sens moderne, et de la démocratie dans son sens moderne. Donc décréter dès maintenant avec arrogance que ceci ou cela est impossible, ou que telle ou telle chose ne peut pas arriver, est absolument dérisoire. Nous sommes dans une histoire ouverte, où un bien plus grand degré de lucidité des sociétés humaines, à l’égard de leur fonctionnement, et de lucidité des individus à l’égard de ce qu’ils sont, est possible. Mais le projet révolutionnaire, je n’y crois pas ».

SORTIR DE LA FAUSSE OPPOSITION STRUCTURALISME/HISTORICISME

« Il y a des déterminations dans l’histoire, très puissantes, qui font que c’est toujours la même histoire, et il n’y a pas de déterminisme. Les passages d’un état à l’autre de cette historicité sont parfaitement énigmatiques. Ils sont élucidables, mais pas selon le déterminisme. Des choses que rien ne permettait de prévoir adviennent, mais elles sont intrinsèquement compréhensibles ».

A PROPOS DE LA PHILOSOPHIE

« La philosophie moderne, c’est en fait une théologie de la science moderne. Descartes fait la philosophie de la physique galiléenne, et Kant fait la philosophie de la physique newtonienne ».

« La logique et la science contemporaine ont suscité des réflexions philosophiques de grande ampleur. Mais on peut aussi continuer la philosophie dans l’ordre des savoirs sur l’homme et l’histoire ».

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