(Source : La Revue des Cèdres)
Philosophe et historien versé dans l’interdisciplinarité, Marcel Gauchet livre une pensée complexe, encore en cours d’élaboration. Il s’intéresse au monde moderne dans le but de rendre compte de la spécificité des sociétés contemporaines relativement à celles qui les ont précédées.
Pour comprendre la modernité, M. Gauchet l’oppose aux sociétés dites primitives, qui ne présentent pas la division politique propre aux Etats modernes. Il met ainsi en évidence la fonction politique de la religion et la manière dont, au cours du temps, celle-ci a perdu son rôle d’élément structurant l’organisation des sociétés, que ce soit du point de vue mental, social ou matériel.
Pour M. Gauchet, les sociétés modernes occidentales, devenues expressément politiques, c’est-à-dire marquées par la division entre l’instance qui exerce le pouvoir et le corps social, sont « sorties de la religion », ce qui n’est pas synonyme de laïcisation ou de sécularisation. Cette notion de « sortie » désigne à la fois le processus et son aboutissement, qui vont de pair avec une importance croissante accordée à la fonction subjective de la religion.
Désormais confinée à la sphère privée, la religion, dans son expression contemporaine, se caractérise par l’accent mis sur les sentiments, les expériences personnelles et les croyances susceptibles de conférer un sens aux existences individuelles. Ainsi, toute une « religiosité qui s’ignore » se manifesterait en Occident sous les formes les plus diverses d’expériences profanes, de l’usage des stupéfiants à l’ascèse sportive en passant par l’émotion esthétique.
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