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Le rebelle, ce conformiste

Historien et philosophe, Marcel Gauchet s’exprime pour la première fois depuis les attaques à son endroit, cet été, notamment par un collectif d’historiens qui le qualifiait d’« auteur connu pour des thèses (…) qui peuvent être jugées ultraconservatrices ». Le rédacteur en chef de la revue Le Débat réfute ces accusations dans un entretien avec Nicolas Truong, journaliste au Monde.

Réponse de Marcel Gauchet à ses détracteurs. Le vrai problème : l’impossibilité de discuter de la postérité des idées de Bourdieu et Foucault, bref d’en faire un bilan raisonné ?

« Ce qui m’est en réalité reproché, ce ne sont pas mes propos prétendus sexistes ou homophobes ou mon aspiration à un régime d’autorité et de répression, c’est le fait d’avoir contesté les travaux de Michel Foucault sur le pouvoir et ceux de Pierre Bourdieu sur la domination. Je pense en effet que leurs analyses, si brillantes soient-elles, sont intellectuellement fausses et qu’elles ont eu en outre des effets pratiques désastreux. »

« Je pense par exemple à l’effet désastreux qu’a eu la pensée de Bourdieu dans le champ éducatif où elle a complètement égaré la discussion sur les réformes qui étaient nécessaires dans le système éducatif en les enfermant dans un schéma de pensée qui rend très mal compte de ce qui se passe dans l’institution scolaire qui a peu à voir avec la reproduction, beaucoup à voir avec la production d’individualités, justement c’est cela la mission de l’école. De ce point de vue-là, ces pensées ont été en grande partie égarantes.

Le point qui m’a été le plus sensible vis-à-vis de la postérité du foucaldisme, qui est diverse puisque Foucault a dans son grand talent traité de sujets divers, c’est qu’il a été un désastre dans le champ psychiatrique où il a fourvoyé des militants que j’ai bien connu de près, j’ai partagé certains de leurs combats, dans une lutte absurde conduisant à la négation de la réalité de la folie ou de la maladie mentale et à des solutions institutionnelles qui ont été une calamité. On en voit aujourd’hui le terrible prix pour ces malades mentaux qui se promènent en prison, dans la rue, abandonnés de tous ». (Marcel Gauchet)

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Vidéos et Sons

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« L’anticonformisme est devenu la norme »

Entretien publié dans Le Monde du 9 octobre 2014 (daté 10 octobre 2014)
Propos recueillis par Gaïdz Minassian et Nicolas Truong

Historien et philosophe, Marcel Gauchet s’exprime pour la première fois depuis les attaques lancées cet été à son encontre, notamment par un collectif d’historiens. Le rédacteur en chef de la revue Le Débat réfute ces accusations et explique que la rébellion est aujourd’hui devenue le mode d’être de l’individu contemporain.

Pourquoi votre présence à Blois est-elle si contestée ? Etes-vous un « militant de la réaction », comme le soutiennent vos détracteurs ?

MARCEL GAUCHET : Le moins qu’on puisse dire est que je ne me reconnais pas dans le portrait qui est dressé de moi ! Ce qui me stupéfie dans cette attaque est qu’elle puisse être ratifiée par des historiens qui ont en principe pour métier de fournir des preuves. Or, je ne vois qu’un tissu de calomnies grossières sans la moindre base. On me prête des propos sexistes ou homophobes, alors que je n’ai cessé d’expliquer, depuis 1980, que le mouvement d’émancipation des femmes comme celui des sexualités relevaient d’un élargissement de la dynamique démocratique. Je n’ai jamais eu l’occasion de prendre publiquement position sur le mariage homosexuel, mais j’ai eu l’occasion de dire, à maintes reprises, que l’opposition à ces revendications était un combat d’arrièregarde voué à la défaite. Puisque vous m’invitez à le dire, je suis, à titre personnel, favorable au mariage pour tous.

Pour quelles raisons la polémique se focalise-t-elle sur le mot « rebelle » ?

La grande naïveté des rebelles qui s’estiment propriétaires de ce titre comme d’un titre de noblesse est de ne pas mesurer que la rébellion est devenue la norme. Ils croient que c’est le « chic du chic ». Or , la rébellion est devenue l’emblème du « devenir individu » contemporain. C’est en se posant en rupture vis-à-vis de tout ce qui se présente comme autorité que l’individualité se forge aujourd’hui. Ce qui fait horreur à l’individu contemporain, c’est le conformisme. Les patrons se prétendent insoumis, les stars se croient en rupture de ban, les intellectuels se veulent subversifs. Nous sommes dans un monde peuplé de rebelles. Au fond, nos rebelles autoproclamés qui ne me trouvent pas assez rebelles sont simplement l’avant-garde du troupeau général. Mais quand tout le monde est non-conformiste, le non-conformisme est le conformisme.

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Entretien

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Université : Marcel Gauchet face à l’extrême-gauche

Billet d’humeur de Frédéric Mas publié le 9 octobre 2014 sur contrepoints
Extrait

« Il n’est d’ailleurs pas interdit de se demander si l’une des causes de cette cabale anti-Gauchet n’a pas pour origine son parcours universitaire atypique : enseignant à l’EHESS, ses travaux sont connus dans le monde entier tandis que les disciples français contemporains de Bourdieu s’enferment dans le localisme et le provincialisme universitaire. (…)

La « gauche critique » qui n’en finit pas régler ses comptes avec ses ennemis imaginaires, nous donne aujourd’hui le spectacle du délabrement de l’institution universitaire et de l’état du débat public en France. Sa position mandarinale a transformé les débats en conflits d’intérêt et en guerres de positions (universitaires). En cherchant à censurer et interdire le débat, elle réduit l’enseignement supérieur en sciences sociales à une sorte de clergé laïc qui distribue les bons et les mauvais points en fonction de ses propres préférences subjectives et ses différentes rentes de situation.

L’histoire retiendra sans doute que l’université, et donc une partie de ce qui fait vivre la liberté d’expression dans ce pays, n’est pas seulement morte de la main de réformateurs politiques incompétents, mais aussi de ces fanatiques qui se servent de l’enseignement comme d’un outil de propagande. » (Frédéric Mas)

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Ce site comporte certaines pages à accès restreint, nécessitant une inscription préalable par courrier électronique. Elles rassemblent pour l’instant des enregistrements inédits du séminaire de Marcel Gauchet à l’EHESS et de conférences ou d’interventions de celui-ci.

L’écoute des enregistrements nécessite un mot de passe qui vous sera envoyé après réception d’un courrier électronique demandant l’inscription. Ce courrier comportera vos noms, prénoms et une adresse électronique (email), et précisera si vous souhaitez être contacté en cas de changement des modalités d’authentification dans l’avenir.

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Qui sont les acteurs de l’histoire ?

Vendredi 10 octobre 2014, Marcel Gauchet participera à un débat et prononcera la conférence inaugurale de la 17ème édition des Rendez-vous de l’histoire de Blois qui aura pour thème « Les Rebelles ».

Débat. « Vous avez dit « rebellocrates ? « , de 14h30 à 16h, Hémicycle, Halle aux Grains.

Conférence inaugurale. « Qui sont les acteurs de l’histoire ? », de 19h30 à 20h30, Hémicycle, Halle aux Grains.

Le programme complet : http://www.rdv-histoire.com/IMG/pdf/PROGRAMME2014.pdf

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Agenda

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La seule attitude, c’est le silence du mépris par rapport à une agression sans motif plausible

Chat publié sur le Monde.fr le 6 octobre 2014.
Propos recueillis par Gaïdz Minassian.

Visiteur : Vous êtes restés silencieux depuis le début de la polémique. Aujourd’hui, vous vous exprimez. Que répondez-vous à vos détracteurs ?

Marcel Gauchet : Je réponds en expliquant les raisons pour lesquelles je n’ai pas répondu. Toutes les choses qui m’étaient reprochées étaient sans aucun fondement. Je cherche en vain les preuves, les textes, les sources étayant les informations de mes détracteurs. Que voulez-vous répondre dans ces conditions ? La seule attitude, c’est le silence, le mépris par rapport à une agression sans motif plausible, et c’est le refus d’alimenter une polémique sans objet. Je m’expliquerai d’ailleurs de façon plus complète dans les pages débats du « Monde ».

Staline : Etes-vous un rebelle de droite ? Est-ce compatible ?

Marcel Gauchet : Mais depuis le XIXe siècle, l’essentiel des rebelles dans les sociétés occidentales, les rebellesl au sens rigoureux du mot, ont été de droite. Parce que la tendance dominante de nos sociétés était l’avènement du monde démocratique. Les gens de gauche, eux, ne se disaient pas rebelles, mais révolutionnaires. Et ce sont des termes qui n’ont rien à voir. Donc je ne suis pas un rebelle de droite, parce que je ne suis pas de droite, et en plus, je déteste la posture du rebelle. J’expliquerai pourquoi. En un mot, le rebelle, c’est le stade infantile du changement social. Je continue d’être de ceux qui cherchent un projet d’une société meilleure que celle qui existe.

Visigoths : Une pétition circule sur les réseaux sociaux. Elle appelle au boycott des Rendez-vous de l’Histoire de Blois et dénonce votre homophobie. L’êtes-vous ?

Marcel Gauchet : Comment des historiens dont le métier est de donner des preuves des affirmations qu’ils avancent peuvent-ils procéder à une telle imputation, que je tiens pour infâmante, sans le moindre début de commencement d’un dit ou d’un écrit pour l’affirmer. Non seulement je ne suis pas homophobe, mais voilà des années, beaucoup d’années, que j’explique, par écrit, dans mes cours, dans mes interventions, que l’opposition à ce mouvement d’émancipation des sexualités est vaine et absurde, parce que cette émancipation est dans la logique de l’égalité démocratique.Que puis-je dire de plus ?

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Intervention de circonstance

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Revue Le Débat, n°181, septembre-octobre 2014, Gallimard

Revue Le Débat, n°181, septembre-octobre 2014, Gallimard
Parution : 02-10-2014

SOMMAIRE
Droite, gauche : la déliquescence :
Alain Duhamel – Marcel Gauchet, L’année du dévoilement (un échange)
Alain-Gérard Slama, Du problème Chirac au problème Sarkozy
Frédéric Lazorthes, La droite prise à son propre piège
Régis Soubrouillard, L’info à la chaîne : BFMTV, I-Télé, LCI

Pascal Ory, Modernisme, fin de partie?

France : intérieur; extérieur :
Thierry de Montbrial – Thomas Gomart, Think tanks à la française
Tony Corn, L’âge des directoires et l’avenir de la France
Philippe Hayez, L’effet Snowden. Les politiques du renseignement dans les démocraties

Nikolay Koposov, Une loi pour faire la guerre : la Russie et sa mémoire

Économie française : quel diagnostic? :
Laurent Faibis – Olivier Passet, Penser le rebond productif de la France
Xavier Timbeau, Lettre à la France qui doute
Jean Pisani-Ferry, La nouvelle question productive

Isabelle Falque-Pierrotin, Numérique : les enjeux anthropologiques

Le catholicisme français au défi :
Claude Dagens – Le Débat, L’indifférence peut nous réveiller (entretien)
Antoine Guggenheim – Le Débat, La responsabilité du christianisme (entretien)
Matthieu Rougé – Le Débat, Pour un catholicisme de proposition (entretien)

Hélène Merlin-Kajman, Madame de La Fayette, l’auteure inavouée

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Agenda

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Nous n’avons pas encore trouvé la bonne école

Entretien avec Marcel Gauchet publié dans Sciences Humaines, n°263, octobre 2014
Propos recueillis par Audrey Minart

Extrait
« Notre modèle éducatif butte sur le postulat, naïf, que laisser une plus grande liberté aux enfants en classe est synonyme d’efficacité. Si les élèves sont actifs, cela ne signifie pas qu’ils ont une appétence cognitive surdéveloppée. En dépit de toutes les méthodes mises en oeuvre pour les rendre actifs, la majorité des élèves restent passifs. »

Cette passivité en classe n’existait-elle pas avant ?

M.G. : Si, mais elle était moins visible du fait de l’encadrement très strict de l’emploi du temps scolaire, qui était la colonne vertébrale du système : « l’heure » de la dictée, du problème, etc. Lorsque vous tablez sur la démarche individuelle des élèves, la différence entre les enfants motivés et ceux qui le sont moins ressort à l’oeil nu, et de façon spectaculaire. Et que font les enseignants ? Pour intégrer les retardataires, ils vont d’eux-mêmes retrouver une pédagogie beaucoup plus classique, directive et transmissive. »

Lien vers l’entretien complet (accès payant)

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Entretien

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Bonnes vacances

Nous vous souhaitons de bonnes vacances et vous donnons rendez-vous au plus tard en novembre 2014 pour la reprise du séminaire à l’EHESS.

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Agenda

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Front National : à qui la faute ?

Débat paru dans « le Nouvel Observateur » du 19 juin 2014.
Propos recueillis par François Armanet et Eric Aeschimann.

Echec du hollandisme ou du sarkozysme? Rejet de l’Europe ou de la mondialisation? Marcel Gauchet et Frédéric Lordon ont donné leurs diagnostics à « l’Obs ».

A qui la faute ?
1 A LA GAUCHE au pouvoir depuis deux ans et qui semble complètement démunie face à la détresse des classes populaires ?

Marcel Gauchet : «La faute à personne» et «tous coupables»: les deux sont vrais. Il est vain de chercher un responsable à qui tout faire endosser. La crise est générale et elle est très profonde ; elle n’a pas été suffisamment reconnue et mesurée. C’est là que se situe la vraie responsabilité. Mais il est vrai que l’arrivée de la gauche au pouvoir, dans une impréparation complète, n’a rien arrangé.

L’effet de l’alternance est épuisé. Le jugement de l’opinion est sans appel: tous les mêmes dans l’impuissance; rien à attendre du changement de personnel dirigeant. Du point de vue du moral des troupes, ce n’est pas idéal. Le hollandisme a été ravageur. Le président finit par se résoudre à faire, au bout d’un an et demi, ce dont il avait commencé par nier la nécessité. C’est encore pire que s’il avait annoncé la couleur d’entrée.

Et si au moins on avait le sentiment que cela va servir à quelque chose et qu’un vrai redressement est au bout ! Mais c’est sur ce point qu’il y a doute. Les gens voient leur société se déglinguer de partout, en plus de l’extension inexorable du chômage : retraites, système de santé, système scolaire, et pas la moindre explication à la hauteur, pas la moindre perspective convaincante de la part de gouvernants qui ne pensent qu’à leur réélection, à leurs postes, à leurs nominations. On serait révolté à moins!

Frédéric Lordon : L’indifférenciation des politiques de la droite et de la gauche, notamment économiques, est le péril démocratique majuscule. Et la vie politique est empoisonnée de ces fausses alternances qui ont perdu tout pouvoir d’alternative.

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